Révélé en 2023 avec Faits Divers et le tube GTB, Jey Brownie continue de tracer sa voie singulière dans la scène urbaine française. Un an après Mélodie céleste, il revient avec un nouveau projet ambitieux, G-Pop Classiks.01, où il définit son propre style : la G-Pop, entre chant, rap et influences ghetto-pop.
Adrien : Jey, tu es de retour avec un nouveau projet, dans la foulée de ton premier album Mélodie céleste qui est sorti l’an dernier. Quel bilan tires-tu de ce projet ?
Jey : J’en suis artistiquement très satisfait, j’ai eu de très bons retours de la part des gens qui kiffent ce que je fais, qui me suivent vraiment.
A : Est-ce que ça t’a apporté le pas en avant dans ta carrière qu’on attend d’un premier album ?
J : Oui, je pense que les gens s’y sont intéressés parce qu’ils ont vu que le travail était bien fait et qualitatif.
A: Qu’est-ce qui a changé dans ta façon de travailler entre le projet Faits divers, entièrement produit par Flem et qui est sorti en 2023 qui a contribué à te révéler, et celui qui s’apprête à sortir, G-Pop Classiks.01 ?
J : C’est différent, maintenant c’est moi qui gère le planning. Pour Faits divers, il fallait se plier au planning de tout le monde pour pouvoir trouver du temps libre et le faire, c’était vraiment que vers la fin où on s’est posé, on s’est coffrés pendant quelques temps pour finir ce qui restait. Pour G-Pop Classiks.01, c’est davantage moi qui gère l’emploi du temps, j’étais tous les jours au studio et je partais quand je voulais, et quand j’avais pas trop d’inspi, je pouvais dire stop. Donc c’était beaucoup plus libéré et sans pression.
A : Ce nouveau projet s’appelle G-Pop Classiks.01, comment tu définis le terme « G-Pop » ?
J : Tout simplement, ça veut dire Gangsta-Pop ou Ghetto-Pop, c’est l’ensemble de ce que j’aime. Je suis dans le chant, j’aime aussi rapper, mais je suis avant tout chanteur. Du coup, j’ai une image assez ghetto, mais dans le propre. Et je trouve que le nom G-Pop représente bien ce que je propose en tant qu’artiste.
A: Est-ce que tu as envie que la G-Pop, ça devienne ton genre à toi, le truc qui te définit vraiment, ou au contraire que d’autres artistes suivent le mouvement et viennent te rejoindre dedans ?
J : Tant que je suis précurseur, il n’y a pas de problème. Si les autres sont inspirés par ce nouveau style et décident de s’y essayer, ça me ferait plaisir de voir que le style que j’ai travaillé depuis longtemps, les gens l’ont validé. Et qui sait, il y en aura peut-être derrière qui diront « Moi je fais de la G-Pop ». Je pense que c’est le but quand t’es connu.
A: Les médias ont toujours un peu galéré à définir ton style musical. Du coup c’est important pour toi de le définir toi-même ?
J : Ouais, exactement. Au tout début, au niveau des playlists, c’était relou. Ils savaient pas où me mettre, un coup dans Fresh rap, un coup dans Révélations, donc au bout d’un moment, il fallait que je nomme ce style moi-même. Et puis ça me facilitait aussi la tâche à moi de pouvoir me positionner.
A: Pourquoi avoir mis l’accent dans le titre du projet sur le terme « Classiks » ?
J : Je sais, enfin je crois que plus tard ce projet va être un classique. Maintenant ou peut-être dans dix ans, je le pense sincèrement. J’aime aussi beaucoup Nate Dogg, et dans les années 1990, il avait sorti une série de projets qui s’appelaient G-Funk Classics, donc c’est aussi un clin d’œil.
A: C’est le volume 1, est-ce que tu comptes étendre le projet sur plusieurs épisodes ?
J : C’est sûr, je travaille la suite. Sans faire le mystérieux, je ne sais pas quand ça va sortir. Je ne sais pas si je vais les sortir à la suite ou sortir d’autres projets entre eux. Pour l’instant je suis encore totalement focus sur le volume 1.
A: Dans l’intro, tu dis que tu es « bresom comme un mec de Mada », mais toujours avec une voix claire. Est-ce que ça te plaît d’évoluer sur ce genre de contraste entre la noirceur du propos et la luminosité de la musique ?
J: Bien sûr, c’est sur cette idée-là qu’on a construit Faits divers avec Flem. J’aime ce contraste, et je trouve que ça me va bien.
A : Il y aussi un morceau qui s’appelle Ghetto Gospel, est-ce que c’est un hommage au morceau de 2Pac ?
J : Au niveau du titre oui, il est directement inspiré de ce morceau. Mais dans les paroles ça n’a rien à voir, ça parle d’une histoire de vengeance. Ça me faisait quand même plaisir de lui faire un petit clin d’œil, parce que c’est mon rappeur préféré.
A : Qu’est-ce qui a justement fait de 2Pac ton rappeur préféré ?
J : Ça va au-delà du rap, c’est ce qu’il défendait. C’était un des premiers artistes noirs vraiment derrière la cause, je pense que c’est aussi pour ça qu’il n’est plus là. Ça dépasse l’artistique, c’est beaucoup plus son histoire à lui.
A : Il y a aussi une référence à Bob Marley, dans le morceau No man no crime, et dedans tu t’essayes même à des sonorités reggae. Comment est né ce morceau ?
J : J’ai tenté plein de styles différents depuis que j’ai commencé, mais jamais le reggae. En vrai c’est l’instinct. Je travaille beaucoup avec mes compositeurs, c’est des mecs avec qui je bosse depuis longtemps donc avant de commencer une session, on a toujours des discussions qui vont dans tous les sens. On avait parlé de Bob Marley avant, du coup quand on a commencé à faire la prod, j’étais inspiré sur le moment puis c’est venu tout seul.
A : C’est important pour toi de montrer à la partie la plus jeune de ton public, quels sont les artistes qui ont aidé à créer ton identité musicale ?
J : Ça dépend, j’ai mes petits secrets que je garde pour moi. Je pense qu’ils savent déjà que c’est Michael Jackson le premier, et puis en termes de rap, j’écoute du Young Thug, Bryson Tiller, j’écoute beaucoup d’artistes en vrai.
A : Il y a aussi un artiste historique du rap français qui t’a, j’imagine, beaucoup inspiré, et qui t’invité en featuring à deux reprises, c’est La Fouine. Comment s’est faite cette connexion avec lui ?
J : Big up au grand frère, il m’avait découvert grâce à sa fille. C’est elle qui a insisté pour qu’il fasse des sons avec moi. Donc il est rentré en contact avec mon équipe, on s’est directement bien entendus. Et puis c’est vraiment un grand frère quoi. C’est un mec qui est rempli de conseils, de bons conseils. Notre connexion était très naturelle, premièrement on s’est vu plusieurs fois sans faire de sons. Et quand on s’est vraiment dit qu’il fallait qu’on en fasse un ensemble c’est venu tout seul.

A : Est-ce que tu as senti que ça t’a ramené un nouveau public ?
J : C’est sûr et certain, vu la carrière de Fouiny, ça apporte toujours une visibilité en plus. J’ai mon public à moi qui apprécie ce que je fais et celui de La Fouine qui rentre aussi dedans.
A : C’était un peu la même chose quand tu as sorti Movie avec Freeze Corleone en 2023 ? C’était peut-être LE morceau qui t’a présenté officiellement au grand public, même si tu avais déjà sorti des choses avant.
J : Au début ouais, avant que GTB ne pète. C’était le premier gros clip, et on l’a crosspost sur Instagram avec Freeze. Et à l’époque je devais avoir 10000 abonnés ou un truc du genre, j’ai vu qu’il avait une force de frappe de fou. C’est là que les gens ont mis un visage sur ma musique.
A : Tu arrives directement avec un artiste aussi impactant que lui. Est-ce que c’était facile de faire comprendre ta personnalité à son public qui peut-être pouvait s’attendre à un nouvel artiste dans le style du 667, alors qu’au final c’était différent de ce quoi ils avaient l’habitude ?
J : Ça a dépendu de comment je me suis présenté durant toute cette période. J’étais H24 avec Flem et le 667, mais j’ai toujours été clair, on bossait sur un projet en commun. Je ne fais pas officiellement partie du 667, c’est mes frérots, mais c’était juste une période artistique pour un projet en commun. Et puis j’avais fait des trucs avant ça, j’en referai après. Si je dois refaire un feat avec Freeze, c’est l’avenir qui le dira, mais ça restera mon frérot.
A : Après ce featuring, il y en a eu avec des artistes divers et variés, il y a eu Kayna Samet, Moubarak, Carbonne, Kanoé par exemple. C’est important pour toi de montrer que tu peux t’adapter à tous les univers possibles ?
J : Ouais, c’est important. Je suis un passionné de musique et j’aime beaucoup les challenges, si un artiste que j’aime bien fait quelque chose qui n’a rien à voir avec ce que moi je fais, c’est une expérience en plus. Je suis dans le partage de ce truc-là, je trouve ça important de pouvoir connaître aussi d’autres styles et puis la manière de travailler et d’autres artistes.
A : Tu as aussi participé au projet BDLM de Tiakola, tu es sur un morceau avec lui et Sonny Rave. Qu’est-ce que ça fait d’être sur un projet qui a autant d’impact et de retentissement dans l’industrie musicale et dans le public ?
J : Ça fait plaisir de fou. Je connaissais déjà Tiakola parce qu’on se croisait souvent en studio, donc ça m’a fait énormément plaisir qu’il compte sur moi pour faire partie des artistes qui portent ce projet. C’est un clin d’œil qui m’a beaucoup touché.
A : Avant d’être dans l’industrie musicale française, tu chantais déjà, mais dans un tout autre registre, tu étais membre d’une chorale dans une église au Congo, où tu es né et a vécu pendant ton enfance. Quels souvenirs gardes-tu de cette période-là ? Est-ce que à la base c’est toi qui a émis le souhait d’être dans la chorale ou on t’a inscrit de force ?
J : C’est moi, parce que j’espionnais beaucoup. Quand ils faisaient leurs trucs, je me cachais dans un endroit parce que j’aimais bien la musique. Ils ont accepté que je m’inscrive, même si au départ ils trouvaient que j’étais trop jeune. Je pense que j’ai réussi à les convaincre. « Moi tu m’parles pas d’âge », j’étais dans cette mentale, ils m’ont intégré rapidement dans la chorale. Mais après, ça a commencé à devenir relou, je ne pouvais plus rater un seul jour de répétition. Ça a fini par me saouler, mais c’est c’est grâce à ça que je suis celui que je suis devenu aujourd’hui, parce que si j’étais pas passé par là, je pense qu’en termes de maîtrise vocale, tout ce genre de choses, j’aurais un peu de retard. Ça m’a beaucoup appris, ça a été mon école.
A : Tu es passé d’enfant de chœur à « ghetto boy ». Comment as-tu pris le le succès de ton morceau GTB, qui a été propulsé par TikTok ?
J : Ouais c’était énorme. Je me rappelle quand j’ai publié pour la première fois le teaser, c’était la première fois que une de mes vidéos TikTok dépassait les 20000 vues. Pour moi, à l’époque c’était énorme tout ça. Même la façon dont j’ai appris ce succès, c’est drôle. C’est un voisin à moi qui m’a appris qu’il était en train de tourner sur les réseaux. Je dirais que c’est la chanson qui m’a propulsé vraiment pour de vrai.
A : Est-ce que du coup ça met la pression pour la suite d’avoir un succès pareil alors que t’es encore au début de ta carrière à ce moment-là ? Ça te met un objectif en tête que tu as envie de ré-atteindre ?
J : Dans la tête t’es en mode « il faut que je batte ce record ». Moi je suis un challenger, mon objectif c’est aussi de battre ce record, mais en vrai il faut pas trop se mettre la pression. Si j’ai réussi à le faire une fois je pourrais le faire dix fois encore.
A : Est-ce que tu as pu constater le succès du titre sur scène ?
J : Clairement. La première fois que j’ai commencé à le réaliser, c’est que j’avais un show à Lyon quoi, je suis parti à Lyon. Et j’ai mis le son. Pour moi, ça allait être normal comme tous les autres sons, mais en fait non. Le public connaissait par cœur, c’est là que j’ai compris qu’il se passait peut-être quelque chose autour de ce son. En tant qu’artiste, ça permet de se fixer des objectifs toujours plus hauts.
A : Dans ton nouveau projet, si tu devais choisir un titre qui deviendrait le nouveau GTB, lequel serait-ce ?
J : Y’a aucun titre qui peut se mettre au niveau de GTB, y’a qu’un seul GTB. Je laisse le projet sortir, c’est le public qui décide parce qu’en vrai c’est pas moi qui contrôle ces trucs-là.
A : Est-ce que c’est un objectif pour toi que dans plusieurs décennies, les artistes du futur te citent comme leur référence comme toi tu as pu évoquer 2Pac ou Bob Marley par exemple ?
J : Bien sûr, c’est l’objectif de tout artiste. Je pense que quand t’es un passionné et que tu te lances dans la musique, ton but principal c’est de laisser quelque chose, laisser une trace, pouvoir marquer aussi son époque… Ça fait partie des objectifs en tout cas.
A : Est-ce que tu auras l’occasion de nous présenter ce projet sur scène, est-ce qu’il y aura une tournée ou d’autres choses de prévues ?
J : Pour l’instant c’est pas prévu parce que je préfère me concentrer davantage sur l’aspect innovation et création musicale. Mais je pense je suis obligé de faire des scènes, vu le nombre de messages des gens que tu reçois, je pense qu’au bout d’un moment j’aurai pas le choix. Peut-être vers 2026…

Crédit phots : @1jennyjane