L’Urban Films Festival met à l’honneur le video-mix avec DJ Master Mike
À l’occasion du battle de courts-métrages de l’Urban Films Festival (UFF), organisé au théâtre du Châtelet mercredi 22 octobre, DJ Master Mike a livré une performance de vidéo-mix aussi technique que spectaculaire, captivant tout le public.
C’est François Gautret, co-fondateur du festival, qui a contacté Master Mike quelques mois avant l’événement pour marquer les 20 ans de l’UFF dans ce haut lieu de la culture parisienne. Impressionné par les vidéo-mix de Master Mike repérés sur MTV, il lui propose alors de réaliser en direct un vidéo-mix pendant 20 minutes, le temps des délibérations du jury. 33 Carats est allé à la rencontre du DJ après avoir vu sa prestation.

Image: François Gautret
DJ Master Mike, un parcours entre deux continents
Figure incontournable du hip-hop français, DJ Master Mike a collaboré avec certains des plus grands noms du genre. Né d’un père légendaire, Tabu Ley Rochereau, qui est également père du rappeur Youssoupha, il passe dix ans aux États-Unis, à Los Angeles, où il forge sa culture musicale entre les scènes américaines et françaises.
Très tôt, la passion devient vocation. À 14 ans, il débute derrière les platines avant de signer son premier contrat chez Polydor à seulement 15 ans. Formé et inspiré par Master Jay, qu’il décrit comme « celui qui lui a tout appris », Master Mike se fait rapidement un nom. Il collabore notamment avec Diam’s sur Brut de Femme, assure les premières parties de Snoop Dogg, Eminem, 50 Cent ou encore Busta Flex, qu’il considère comme « son acolyte ». Il enchaîne aussi deux ans de tournée aux côtés de Booba, avant d’accompagner la nouvelle génération, de Da Uzi à Naza en passant par Keblack.
Mais le DJ ne s’est pas arrêté aux platines. Devenu également beatmaker, il voit cette évolution comme « la suite logique ». En parallèle de ses sets, il signe plusieurs productions majeures, dont des titres de l’album Noir Désir de Youssoupha, et collabore avec Booba ou Gradur.
Le vidéo-mix, entre son et image : la signature de DJ Master Mike
L’idée du vidéo-mix est née d’une simple discussion entre amis. « C’est venu par rapport à un pote à moi qui bosse pour PlayTwo chez TF1, il fait beaucoup de montage », raconte DJ Master Mike. Fasciné par le montage vidéo, il cherche à comprendre les mécanismes derrière les images. « Je lui demande comment il fait pour couper sa vidéo d’un endroit à un autre et l’accélérer. Ce que moi je fais en audio, je voulais le faire en image », explique-t-il. Malgré les limites techniques du logiciel, il persiste : « j’ai fini par trouver le bon angle. »
Depuis sept ans, Master Mike collabore avec MTV, où il conçoit des vidéo-mix inédits d’une heure, diffusés sur la chaîne. Il bénéficie d’un accès privilégié à un vaste catalogue de clips, de 1925 à 2025, y compris certains jamais sortis. « Vu que je ne suis pas limité dans la vidéo, c’est magique », confie-t-il. « Je peux piocher partout, comme quand tu fais un album : tu samples, tu prends un bout d’un film et tu l’utilises. » Une liberté créative qu’il met au service de la cohérence : « Comme dans un film, il faut que tout soit fluide et logique. »
Nourri par la culture télévisuelle des années 1990, il puise autant dans le hip-hop que dans le cinéma. « Je voulais toujours comprendre pourquoi un sample était utilisé. Je voyais plein de références à Scarface, Casino ou Retour vers le futur. Et là, tu te rends compte que tout est lié », analyse-t-il.
Cette curiosité nourrit sa marque de fabrique : le mélange des époques et des influences. « Quand j’ai vu que des vieux morceaux de funk étaient repris par Biggie (The Notorious B.I.G), j’ai voulu mettre l’original et la reprise, pour montrer d’où ça vient. »
« Ma particularité c’est de donner du sens à mon récit »
Pour DJ Master Mike, l’essentiel est clair : « Ce qui m’importe, c’est de raconter une histoire de A à Z. » Niche en France, le video-mix existe depuis 2005, mais reste encore rare. « Ce sont les Américains qui l’exploitent avec parcimonie, parce que la vidéo, c’est plus de travail que l’audio », explique-t-il.
Dans l’Hexagone, seuls trois DJ pratiquent cette discipline, et Master Mike se distingue par son approche cinématographique. Il ne se contente pas d’enchaîner des clips, il construit une véritable narration. « Ma particularité, c’est de donner du sens », souligne-t-il. « Mon but, c’est de prendre des sons qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, et d’en faire une continuité, leur faire dire ce que moi j’ai envie de dire. »
De la première seconde à la dernière, faut être scotché
Pour Master Mike, rien n’est laissé au hasard sur scène. « Ma performance est répétée à mainte et mainte reprise », dévoile-t-il. La complexité de son travail peut se résumer ainsi : imaginez 222 petits morceaux parfaitement alignés entre références de films et clips musicaux. « Il ne fallait aucun répit », explique le DJ. « Faut que je scotche les gens comme pendant les battles de scratch, il ne faut aucun break. » Triple vainqueur du battle Scratch Mania, il sait comment captiver son public.
En quelques secondes à peine, les spectateurs sont happés au théâtre du Châtelet : les yeux rivés à l’écran, le corps suivant le rythme des sons mythiques synchronisés à leurs clips. Ses mixes intègrent également des extraits de films cultes, comme Retour vers le futur, en hommage à Rick Carter (présent ce soir là), chef décorateur ayant collaboré avec Steven Spielberg (Jurassic Park), James Cameron (Avatar) ou Robert Zemeckis (Retour vers le futur), mais aussi des classiques comme Maman, j’ai raté l’avion ou Bad Boys 2. « Je fais aussi des vidéo-mix en club, c’est ma signature. Mon but, c’est le même : de la première seconde à la dernière, faut être scotché. »

Image: BsmK Photographe
Urban Films Festival au mythique théâtre du Chatelet
L’Urban Films Festival, organisé par RStyle (fondé par Hayette Fellah et François Gautret), structure dédiée à la promotion des cultures urbaines, a célébré ses 20 ans du 20 au 26 octobre dernier. Le festival proposait un riche programme d’événements : expositions, talks, projections, déambulations en skateboard ou avant-premières. 33 Carats s’est rendu au Battle de courts-métrages, où fiction, documentaire, animation et performance étaient à l’honneur, un cadre idéal pour la prestation hypnotique de DJ Master Mike.
Pour François Gautret, cette édition avait une portée symbolique : « Célébrer les 20 ans de l’UFF au théâtre du Châtelet, avec cet écran géant et ces conditions exceptionnelles, c’était l’occasion rêvée d’inviter un DJ capable de mixer cinéma et musique en direct. » En mêlant extraits de films cultes et clips hip-hop, Master Mike a livré une performance « parfaite », saluée jusqu’aux invités américains présents.
La soirée réunissait des convives de prestige, dont la famille Carter, représentée par Rick Carter, chef décorateur doublement oscarisé, et le Comité National Olympique 2028. Un symbole fort, un pont entre image et hip-hop, cinéma et musique, en clin d’œil à ces univers qui se sont rencontrés ce soir-là.
La suite pour DJ Master Mike ? Passer un cran au-dessus inspiré de sa performance au Châtelet : créer un vidéo-mix 100% films. Il se donne un an. On a hâte de voir ça.

                