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Le chemin d’Haristone vers Hyperlov : Entre introspection et inspiration

Haristone est enfin de retour. À l’occasion de la sortie de son EP Hyperlov, disponible depuis le 16 mai sur toutes les plateformes de streaming, nous l’avons rencontré. Ce projet marque la fin de cinq années de silence en tant qu’artiste solo. Entre ses activités d’écriture pour d’autres artistes et son propre cheminement personnel, Haristone nous a confié les coulisses de ce long retour et les inspirations qui ont donné naissance à Hyperlov.

A : Haristone, comment te sens-tu après avoir sorti ton premier projet depuis cinq ans ?
H : Franchement, je me sens bien. J’ai un poids en moins et je me sens libéré.

A : Quand tu as sorti La Vie en Stone en 2020, est-ce que tu te doutais que la suite mettrait autant de temps à voir le jour ?
H : Pas du tout. C’est une succession d’événements qui a fait que je me suis retrouvé quelques fois débordé par la vraie vie, et d’autres fois pris par des impératifs. J’ai pris du temps pour moi, j’ai vécu des choses. J’ai refait le plein d’inspiration et j’ai digéré certaines mauvaises expériences. Une fois que tout ça était prêt, il a fallu recréer un effectif, autour de Skaam, mon manager, et moi. Le reste s’est construit au fil des années sur ces cinq ans. Je n’aurais jamais pensé prendre autant de temps, mais c’était un mal pour un bien. 

A : Qu’est-ce que tu as fait pendant ces cinq années ?
H : Je me suis concentré sur ma vie perso. J’ai toujours été de nature à vouloir vivre des choses pour récupérer de l’inspiration. Même à l’époque de Off, quand j’envoyais Sanji, j’allais encore à la fac. Je n’en avais pas besoin financièrement mais il fallait que je vive ces expériences. 

A : Est-ce qu’à certains moments, tu as ressenti une perte de confiance ou d’espoir concernant la sortie de ce projet tant attendu ?
H : Bien sûr ! J’ai parfois perdu patience, j’ai perdu espoir. Mais jamais complètement, parce que la passion finit toujours par te rattraper et te pousser à retourner au studio. Mais il y a eu beaucoup de moments où ma motivation n’était pas au top.

A : Pendant que l’on t’entendait moins, tu as écrit pour d’autres artistes. Est-ce un exercice qui te plaît ?
H : Oui, ça me plaît beaucoup, et je pense qu’à long terme j’aimerais me consacrer uniquement à ça en vieillissant. Ça me permet d’explorer des thèmes que je ne traiterais pas dans ma propre musique. Par exemple, le titre que j’ai écrit pour Aya Nakamura, c’est quelque chose que je ne pourrais pas faire pour mes morceaux. Mais c’est hyper intéressant et instructif, j’apprends beaucoup. En fait, je trouve qu’il y a plus de liberté dans l’écriture pour les autres que dans celle pour moi-même.

A : Est-ce que ce sont les artistes qui te contactent, ou est-ce plutôt toi qui leur proposes ta plume ?
H : En général, ce n’est pas moi qui les contacte. C’est souvent une question d’alchimie en studio, quand ça fonctionne bien pendant qu’on travaille ensemble, surtout avec des artistes qui sont aussi compositeurs. Par exemple, Saan, pour qui j’ai écrit récemment et qui a produit des morceaux pour moi. Il a repris un titre que je devais garder pour moi, mais que je n’allais finalement pas sortir. Les manières de travailler varient, mais la plupart du temps, c’est eux qui viennent vers moi.

A : Tu l’as mentionné, tu as écrit le morceau Soldat d’Aya Nakamura, qui est peut-être mon titre préféré d’elle. Comment cette connexion s’est-elle mise en place ?
H : J’étais avec ses compositeurs, Le Side, avec qui j’avais bossé pour un autre artiste. En revenant d’un séminaire, on était tellement motivés et pleins d’énergie qu’on est directement allé au studio. À ce moment-là, ils avaient déjà fait Djadja, donc ils l’ont appelée, elle est venue, et on a créé Soldat directement.

A : Une fois le titre finalisé, as-tu ressenti une petite frustration de ne pas avoir pu poser un couplet dessus ?
H : Pas du tout, parce qu’à aucun moment, en écrivant pour Aya, je ne me suis imaginé sur ce morceau. Et honnêtement, Aya toute seule a un potentiel qui peut aller bien plus loin que si j’étais dessus. Ça aurait peut-être été bénéfique pour moi, mais pas forcément pour elle.

A : Est-ce qu’avoir eu cette expérience dans l’ombre te donne des idées pour ce que tu feras après ta carrière d’artiste ? Le plus tard possible, évidemment.
H : Oui, parce que c’est là où je me sens le plus à l’aise : dans l’écriture, à collaborer avec quelqu’un et à me mettre à sa place. À long terme, si je reste dans la musique, c’est probablement dans cette direction que je me tournerai.

A : Comment as-tu fini par relancer la machine et revenir avec le projet Hyperlov, sorti le 16 mai dernier ?
H : En réalité, la machine n’a jamais vraiment cessé de tourner. Même quand je ne sortais pas de sons, j’allais au studio. Les ingrédients sont venus au fur et à mesure. Au début, je travaillais un peu dans le vide, car je n’avais pas mes compositeurs ni les productions que je voulais, donc je n’étais pas satisfait. Ensuite, j’ai rencontré Thescam, Crisotum et Antoine Borel, qui ont réalisé dix des douze productions du projet. Le premier morceau qu’on a fait ensemble, c’était Destin, et ça a tout de suite matché. C’est là que j’ai senti qu’une vraie équipe se formait. Ensuite, j’ai rencontré Saan et Racy qui ont travaillé Trop Jalouse et Bounce 4 Me avec Low Jay. La machine n’a jamais arrêté de tourner, mais c’est vraiment quand on a eu la bonne vision que c’est parti tout droit. 

A : Comment définirais-tu le mot Hyperlov ?
H : Chacun peut l’interpréter à sa sauce. Pour moi, c’est l’amour dans son côté extrême, à la fois destructeur et salvateur. Il y a les deux aspects, c’est un amour excessif. J’ai traversé une période de ma vie qui m’a un peu inspirée, mais pas complètement, parce que j’ai toujours besoin de temps pour digérer mes expériences. Par exemple, certaines phrases du projet font référence à une personne avec qui j’étais encore au moment de créer les morceaux. Si je ne prends pas ce recul, je serais trop premier degré, trop personnel. Du coup, l’auditeur risquerait de ne pas s’identifier, parce que ce serait vraiment ma vie dans les moindres détails. Une fois digéré, je peux aborder le sujet sous plusieurs angles, romancer et faire marcher mon imagination pour rendre ça unique.

A : Tu as beaucoup parlé de sentiments au cours de ta carrière, mais c’est la première fois que ce thème occupe une place aussi importante dans un de tes projets. Est-ce que c’était l’objectif initial d’articuler Hyperlov autour de ça ?
H : Au départ, j’hésitais entre deux directions artistiques, un truc très turn-up, dans l’esprit Don Toliver, aérien mais avec des prods et une énergie bouncy, et l’autre, plus trapsoul, R’n’B, comme on le retrouve finalement sur Hyperlov. J’ai simplement fait confiance à mon oreille et à ce que j’écoutais le plus.

A : Quand on t’a découvert aux côtés d’Hayce Lemsi en 2017, on sentait quelque chose d’unique. Cette manière hybride de chanter et de rapper n’était pas encore très répandue chez des artistes français. Pendant la période où on t’a moins entendu, beaucoup d’artistes à la croisée des genres sont apparus et ont eu du succès. Comment as-tu réussi à réinventer ta formule pour proposer à nouveau quelque chose d’unique, tout en étant différent du Haristone de 2017 ?
H : Pendant ma période moins productive, j’ai vu arriver beaucoup d’artistes dans ce créneau, alors qu’à mes débuts, on était vraiment peu nombreux. Ça m’a fait un peu bizarre, et j’ai toujours eu ce besoin de me sentir unique ou original. Sans calcul, ça s’est fait naturellement. J’écoute énormément de musiques différentes : parfois j’ai envie de ressembler à ça, parfois à autre chose… Ensuite, il y a eu cette phase où j’ai assimilé les codes du rap new wave, tout ce qui est DMV, toute la nouvelle scène. Au début, c’était incompréhensible pour moi, leurs codes n’étaient pas du tout les mêmes, et j’ai mis beaucoup de temps à accepter leur façon de poser, de se décaler sur la prod,, leur phrasé… En comprenant tout ça, je l’ai intégré à ma manière de créer, ce qui a fini par faire un mélange entre ma recette et la leur. Sans chercher à faire de la new wave, j’ai pris ce qui me correspondait et laissé ce qui ne me correspondait pas.

A : Est-ce que tu t’es découvert de nouvelles influences musicales pendant cette période ?
H : Oui, il y a eu cette nouvelle vague dans le rap français, l’épisode sexy drill qui est passé assez vite… J’ai toujours été très curieux, j’essaye de trouver de l’inspiration partout. Pour moi, la bonne musique, c’est universel, il n’y a pas vraiment de style qui domine. Ce sont des phases. En ce moment, j’écoute beaucoup Aretha Franklin, et j’essaie de prendre des inspirations là où ça me semble intéressant.

A : Aujourd’hui, est-ce que tu te définis davantage comme un rappeur ou un chanteur ?
H : Un rappeur qui chante, ou un chanteur qui rappe.

A : Le rap est toujours là. Dans l’intro de Juste une danse, dès la deuxième phrase, tu dis « Tu m’as rendu paro comme Despo ». C’est impossible de s’en écarter totalement ?
H : Ça fait trop partie de mon ADN. J’ai appris à écrire sur du rap, mes premiers textes c’était du rap. Même si ce n’est peut-être pas ce qui me correspond le mieux objectivement, c’est ce qui définit la création de l’artiste que je suis.

A : Despo Rutti, que tu cites, a été confronté ces dernières années à des soucis de santé mentale, pour diverses raisons, dont l’industrie de la musique. Après bientôt une décennie dans le milieu, arrives-tu à garder un bon équilibre entre la passion, le travail et ta vie personnelle ?
H : Ouais, c’est un peu compliqué. C’est surtout l’entourage qui fait la différence. Si ton entourage te permet de garder les pieds sur terre, tu t’en rends compte. Moi j’ai jamais eu l’impression d’être une reusta. Chez mes gars, rien ne m’a jamais fait comprendre que j’étais différent d’eux. Ça peut faire perdre la tête, je l’ai vu dans les yeux des gens que je ne côtoyais pas forcément, mais je n’y prêtais pas vraiment attention parce que ce n’est pas ma vie de tous les jours. Si tu n’as pas des gens qui te soutiennent, une famille présente, tu peux très vite vriller.

A : Est-ce que tu avais une appréhension des réactions du public avant d’entériner ton retour ?
H : Toujours un petit peu, mais avec Skaam, mon manager et associé, on était trop sûrs de notre karaté. Pas dans le sens « ça va marcher » mais dans le sens où on a tellement taffé. Le produit est réussi, il n’y avait plus qu’à bien le vendre.

A : Sur ton projet, tu as invité Nemir, lui aussi coutumier des longues absences entre deux projets. Est-ce que c’est plus facile de se comprendre artistiquement avec des profils comme le sien, confrontés aux mêmes problématiques que toi ?
H : Quand j’étais petit, avant de faire du son, j’étais très fan de Nemir, donc c’est une satisfaction personnelle. Avant de rapper pour de vrai, mes buts étaient de faire un son avec Nemir et un son avec Ateyaba. J’ai déjà coché une case. Le moi d’il y a quelques années a kiffé faire un son avec lui. Humainement parlant, c’est l’une de mes plus belles rencontres dans le milieu, on se parle quasiment tous les jours. On a la même vision de la vie, on est des rêveurs, un peu tête en l’air. Si on a envie, on peut disparaître du jour au lendemain… Pendant deux ans on se parlait quotidiennement mais on jouait qu’à FIFA, on ne parlait jamais de musique. Maintenant, comme la relation n’est plus juste d’artiste à artiste c’est un peu compliqué avec les plannings, mais quand on a trouvé un moment, le featuring et la collaboration se sont faits naturellement.

A : Il y a aussi un featuring avec Tuerie, dont le style ne rentre vraiment dans aucune case. Est-ce que tu te reconnais dans ce genre d’artistes inclassables ?
H : Je sais pas si je suis plus attiré par ce genre d’artistes, mais musicalement, je suis aussi difficile à mettre dans une case. Donc, on se complète bien.

A : Les deux autres duos de l’album sont BKRBABYBOY et Low Jay. Comment se sont faites ces connexions ?
H : Tuerie et Nemir, c’étaient des personnes avec qui je discutais beaucoup, bien avant que l’on fasse un featuring ensemble. Pour Low Jay, la connexion s’est faite grâce à son producteur avec qui je bossais pas mal. On s’est croisés plusieurs fois en studio pour travailler sur ses morceaux, et naturellement, on a fini par en créer un ensemble. Quant à BKRBABYBOY, c’est un artiste dont je suis totalement fan. J’ai envie que tout le monde découvre ce qu’il fait, il est vraiment trop fort.

A : Est-ce que la manière dont tu l’invites en 2025, c’est un peu la même dont Hayce Lemsi t’invite en 2017 ?
H : Ouais, peut-être. J’avais même une appréhension parce que c’est une nouvelle tête et je me disais qu’il n’allait peut-être pas me calculer. Mais en fait, quand j’ai voulu lui envoyer un message, j’ai vu que déjà en 2018/2019, il m’envoyait déjà des messages pour me parler de ses prods. Du coup, ça s’est fait naturellement.

A : Hyperlov est un EP, est-ce que tu réfléchis déjà à l’étape album ?
H : Pas encore. Pour l’instant, je réfléchis surtout à comment occuper le terrain. On a prévu de lancer un concept pour l’été avec beaucoup de sons, à une fréquence régulière sur les réseaux sociaux.  Pas forcément sur les plateformes, à part s’il y en a un qui prend plus que les autres, on essaiera de faire plaisir au public.

A : Est-ce qu’il faudra encore attendre cinq ans avant de passer à l’étape suivante ?
H : L’étape suivante, elle arrive dans quelques semaines. Après, j’ai pas envie de me porter l’œil, mais j’espère enchaîner avec un projet à la rentrée. Là, j’ai plus envie de lâcher le truc. 

A : Est-ce que tu prévois de défendre Hyperlov sur scène en attendant ?
H : Je me tâte encore. En réalité, j’y ai pas vraiment réfléchi. Je pense que c’est mieux de continuer à envoyer du contenu pour l’instant, et j’espère faire un peu de scène sur le projet d’après.

A : Selon toi, quelle scène parisienne serait la plus adaptée à l’univers Hyperlov ?
H : Je n’ai jamais été fan des trop grosses salles, je préfère les espaces à taille humaine. Franchement, la Cigale ou la Gaîté Lyrique, avec pas mal d’écrans, ça pourrait être frais. L’organisation, la scénographie, c’est tout un taf sur lequel je ne me suis pas encore penché pour l’instant.

33 Carats est honoré d’avoir pu s’entretenir avec Haristone à ce moment clé de sa carrière. Avec Hyperlov, il ouvre un nouveau chapitre puissant. Nous suivrons de près son actualité, notamment les morceaux exclusifs qu’il tease cet été sur ses réseaux, avant son retour en force à la rentrée avec un projet inédit.

Adrien Cornillot-Appavou

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